Service d'évaluation des personnes accusées en matière de violence conjugale au stade de la mise en liberté provisoire

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Le président de l'AQAAD, Me Michel Lebrun sollicite vos commentaires et vos observations en lien avec Service d'évaluation des personnes accusées en matière de violence conjugale au stade de la mise en liberté provisoire. Pour prendre connaissance de sa communication, continuez votre lecture.

Depuis quelques années, certaines expériences ont été tentées dans quelques districts judiciaires afin de créer des services d'évaluation des personnes accusées en matière de violence conjugale au stade de la mise en liberté provisoire.

Généralement, il s’agit de services offerts par les services de probation, et visent à faire une évaluation des risques de récidive des accusés et des suggestions, s’il y a lieu, quant aux conditions de remise en liberté.

Certains avocats de défense disent avoir été satisfaits de ces services, mais leur utilité réelle n’a pas été prouvée et dans les faits, on semble n’y avoir recours qu’exceptionnellement.

Récemment nous avons reçu des échos à l’effet que le ministère de la Sécurité Publique (MSP) voulait mettre l’emphase sur l’implantation de tels services dans tous les districts judiciaires.

Dans les endroits où de tels services existent, on nous rapporte que les intervenants, notamment la magistrature, commence à exercer une certaine pression: soit on reproche aux avocats de la défense de ne pas y recourir soit on donne l’impression, justifiée ou non, que ceux qui refuseront d’avoir recours à ce programme resteront détenus.

Pour ma part, et cette réflexion n’engage que moi, j’ai de nombreuses questions, pour ne pas dire des objections envers ce qui se passe présentement.

Premièrement , on prétend que la présomption d’innocence sera préservée. De quelle manière? Aucune information. Qu’en est-il du droit au silence?

Deuxièmement on ne nous donne aucune information sur ce qui sera « évalué » ni en vertu de quels critères. Existe-t-il une science de la prédiction de la dangerosité, du risque de récidive ou de l’élaboration de conditions de remise en liberté? Si oui, qui sont les experts qui offriront leurs services et apporteront leur contribution afin d’ajouter des informations aux sources habituelles auxquelles nous avons recours au stade de la remise en liberté? Quel est leur niveau d’expertise? Je crois comprendre que des outils objectifs reconnus existent, mais que le MSP a refusé de dégager les budgets pour permettre à ses agents de recevoir la formation pour les utiliser. Donc on s’en remettrait aux impression subjectives de l’agent, ce qui, selon ce que j’en sais, n’ajoute rien de significatif à ce que les intervenants déjà mobilisés (police, DPCP, avocats de défense, famille, entourage) peuvent apporter.

Troisièmement, je comprends qu’un rapport verbal sera fait au tribunal, ce qui entre en conflit avec le principe de la divulgation de la preuve, en plus de générer une utilisation inefficace des ressources judiciaires : ouvrir cette boîte à surprise en pleine audition ne peut que générer des demandes de remise.

Finalement, les délais de 24 (ou 48 selon les sources) à 72 heures causent un sérieux problème pour une quantité importante de dossiers où la peine envisagée en cas de culpabilité n’est pas de l’emprisonnement. D’autre part, je m’étonne de voir qu’une expertise qualifiée puisse être faite dans un si court délai alors qu’avoir un simple suivi psychologique pour nos clients implique de passer par des listes d’attente où les délais se calculent en mois ou même en années!

Je pense qu’on doit réfléchir à ce sujet, surtout qu’elle s’inscrit dans un débat public qui a actuellement lieu notamment en lien avec le rapport « rebâtir la confiance », le projet de loi 92 et le projet « ACCES » de la cour du Québec.

Un comité inter associations (AADM, AADO, AADQ et AQAAD) est déjà à l’œuvre sur ces questions.

Je vous invite donc à partager vos réflexions et à rapporter vos observations avec vos représentants des associations. Il faut éviter que des cas d’espèces ne s’accumulent pour créer un fait accompli qui aurait pour effet de compromettre sérieusement les droits des accusés

Au plaisir de vous lire, Michel Lebrun, président AQAAD

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